Ma vie entre le 4e et le 5e Bezirk

Publié le par Vladimir Bukolic

Tout d´abord pardon pour cette énorme pause (qui a fait baissé mes statistiques, merde !). J´le referai pas souvent ! Aujourd´hui, je veux vous présenter le texte d´un jeune auteur. Comme tout vieil écrivain reconnu (un jour peut-être), j´ai besoin de former la nouvelle génération, parrainer des jeunes loups qui me rendront hommage quand je serai atteint de la maladie d´Alzheimer et que mes écrits seront encore plus farfelus et incompris qu´aujourd´hui. Voici aujourd´hui l´oeuvre de Mild Drückwederschlüssel, un activiste écrivant de plus qu´il faudra supporter dans ces pages et ailleurs peut-être...
VBK

Comme ce blog propose de parler de la vie telle qu’elle est carrément à l’Est, j’ai proposé en à son auteur le texte qui suit, parlant de ma vie à Vienne et qui est surtout l’occasion de dénoncer un scandale sans nom largement passé sous silence par les médias dominants. Cette contribution ne manquera pas de vous rappeler certains thèmes de l’actualité tragique la plus brûlante dans une autre partie du monde.

            Je tiens à avertir les âmes sensibles que ce qui va suivre décrit un certain nombre d’atrocités dont j’ai été le témoin. Personne n’est forcé de continuer à lire les lignes qui suivent. De mon côté, je les écris afin de faire réagir la communauté internationale.

            J’habite à Vienne dans une rue très particulière (je tairai son nom et resterai dans l’anonymat pour raisons de sécurité) : elle est en effet coupée en deux, dans le sens de la longueur, entre le 4e et le 5e Bezirk, entre le quartier Wieden et le quartier Margaret. Moi j’habite dans le 5e. Le trottoir d’en face, vous l’aurez compris, c’est le 4e. Dans cette rue, les échanges entre les habitants des différents Bezirk sont donc inéluctables. Pour commencer j’aimerais vous donner un aperçu de ma vie quotidienne dans cette rue si particulière.
 

            Pour travailler, aller faire mes courses, promener mon chien (je n’ai pas de chien en fait, c’est juste une façon de parler), mes allers-retours entre Wieden et Margareten sont inévitables. Le supermarché le plus proche, par exemple, se situe juste en face de chez moi. Quand j’entre dans le 4e, je marche différemment, je me fais discret, ceci presque inconsciemment, comme si une seconde peau venait s’ajouter à moi. Les regards se tournent vers moi, discrètement mais clairement, l’animosité est palpable bien que retenue. Vous l’avez deviné, les habitants du 4e n’aiment pas ceux du 5e. Ils les accusent de se servir des richesses économiques du 4e et d’être de dangereux provocateurs. Mais je n’ai pas le choix, pour acheter mon pain, prendre le bus… je dois me déplacer dans le 4e.

            Peut-être que la question vous titille déjà : comment peut-on différencier un habitant de Wieden d’un habitant de Margareten ? Tout simplement à l’allure. Les habitants du 5e Bezirk sont dans leur immense majorité beaucoup plus pauvres que ceux du 4e. Leurs habits sont moins chics, plus vieux, leur accent est différent, réputé plus populaire, voire vulgaire… Bien sûr cette situation n’est pas advenue par hasard, nous y reviendrons. Continuons pour l’instant à décrire les rapports plus ou moins quotidiens entre les deux communautés.

            Cette tension accumulée au quotidien par ce qu’il faut bien nommer le racisme ordinaire provoque régulièrement des incidents dramatiques, tout particulièrement dans ma rue-frontière, lieu de cristallisation de toutes les haines. Des mots durs, des insultes, des provocations ont régulièrement lieu. Moqueries sur la culture d’appartenance de l’autre, incompréhension mutuelle des rites et cérémonies respectifs de chacun des Bezirk, les tensions éclatent parfois en affrontement, en émeutes. Ma rue, théâtre privilégié de ce drame humain quotidien, en est le triste et paradigmatique exemple. Il n’est pas rare d’y voir les habitants, chacun sur le trottoir de son Bezirk respectif, lancer des projectiles aux voisins d’en face. Calfeutrés dans les immeubles en vis-à-vis, les jets de pierre des habitants du 5e Bezirk répondent aux lancers de tomates pourries des habitants du 4e. Je vous passe la description des écorchures, des plaies, des visages ensanglantés de mes concitoyens… Mais, me demandez-vous interloqués, pourquoi des tomates – pourries qui plus est – contre des pierres ? Nous touchons-là, par hasard, à un nœud du problème.

            Comme sous le savez déjà, le 5e Bezirk est pauvre. Nos seules armes sont donc ce que nous pouvons trouver chez nous. Notamment les tomates pourries fournies avec une générosité cynique par le 1er Bezirk, Innere Stadt, afin de faire face à nos récurrentes pénuries alimentaires. D’un autre côté, ce même 1er Bezirk fournit les habitants du 4e en pierre, afin qu’ils puissent « se défendre légitimement et assurer leur droit à vivre en paix » (déclaration de l’Oberhauptmann de l’Innere Stadt suite à la livraison massive de pierres du 8 janvier 2008). Dans le même temps, nous sommes menacés de ne plus être livrés en tomates pourries puisque elles serviraient « des buts contraires à la paix et à la dignité humaine » (déclaration du même Oberhauptmann du 22 décembre 2007 signalant la possibilité d’un embargo de tomates pourries contre Margareten). Tant de mensonges et d’injustices ne pouvant être passés sous silence, je vous livre ici même les clefs de la compréhension de ce conflit.

            Les attaques tomatesques de mes compatriotes seraient-elles le fruit d’une population de provocateurs qui ont ça dans le sang et qui vénèrent la destruction ? Évidemment non, c’est pourtant ce qu’on pourrait croire en lisant les déclarations de l’Oberhauptmann susnommé. Mais si le 4e Bezirk n’avait pas régulièrement au cours de notre histoire conflictuelle commune fait des incursions illégales lui permettant de prendre le contrôle de nombreux de nos quartiers et des activités économiques qui en font partie, nous n’en serions pas là. Le supermarché de la rue d’en face, la chambre de commerce de l’Autriche et j’en passe, étaient il y a quelques dizaines d’années encore sous le contrôle légal du 5e Bezirk et lui permettaient d’entretenir une situation économique stable à même de nourrir sa population et la faire vivre dignement. Sous des prétextes divers, tous plus honteux les uns que les autres et qu’il serait trop long d’énumérer ici, le 4e Bezirk a étendu régulièrement son influence, nous asphyxiant ainsi économiquement et nous réduisant à peau de chagrin. Cette influence grandissante n’aurait jamais été possible sans le soutien continuel et massif des autorités du 1er Bezirk. Innere Stadt et Wieden commercent énormément ensemble. Les ressources naturelles et les richesses économiques situées aux alentours des 4e et 5e Bezirk intéressent énormément les investisseurs véreux d’Innere Stadt. Le 5e Bezirk ayant le malheur d’être bien trop rebelle aux appétits financiers et à la domination du 1er, contrairement au 4e, c’est lui qui pâtira des interventions expansionnistes de l’Innere Stadt.

Et oui le 1er Bezirk, celui des appartements de Sissi, des bals viennois, de la gloire impériale… impériale dites-vous ? Il serait plus juste maintenant de dire impérialiste !

            Effectivement, les appétits impérialistes des 1er et 4e Bezirk étant insatiables, nous ne sommes pas au bout de nos peines. De source sûr, quoique secrète, nous savons que l’expansion du 4e est appelée à se poursuivre. Prochain objectif : mon trottoir, nous sommes les prochains sur la liste. Si le 4e Bezirk s’étend à nos immeubles frontaliers, vous pouvez  facilement vous imaginez que nous ne serons pas naturalisés citoyens du 4e – encore faudrait-il que nous le voulions –, encore moins que nous pourrons rester chez nous, à vivre en paix. Nous serons donc « déplacés », pour reprendre la terminologie des autorités « sanitaires » du 1er Bezirk, « afin de mieux construire la paix à venir dans l’entente mutuelle et le respect des cultures ». Bien sûr aucun dédommagement n’est envisagé dans ces cas-là.

            Si le 4e Bezirk veut encore progresser dans ces incursions en territoire libre, à Margareten nous le savons tous, c’est pour prendre à terme le contrôle de la station de métro Pilgramgasse, une de nos dernières richesses qui est un carrefour important d’échanges commerciaux et un des points centraux de la circulation à Vienne, cette station de métro étant par ailleurs entourée de nombreux arrêts de bus. En même temps cela permettrait simultanément d’élargir le contrôle du 4e sur les deux lignes de tram perpendiculaires à ma rue-frontière, lignes de tram qui sont pour l’instant encore partagées entre les deux Bezirk.

  Afin que cette énième infamie ne se produise pas et que nous fassions reculer l’envahisseur, j’en appelle ici au soutien de tous les défenseurs des opprimés, des droits de l’homme et de la démocratie à soutenir notre cause. Vous n’avez rien à y gagner, sinon votre dignité !

Publié dans La vie à Vienne

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S
Je vois que l'Infâme Vladimir Bukolic (appelé IVB) cache soigneusement l'existence de mon contre blog qui démontre la fatuité de Complétemnt à l'Est. Voyez donc le blog Pas du tout à l'Ouest : http://pasdutoutalouest.over-blog.com .
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M
Merci pour ces emssages de soutien. La lutte s'organise. Nous allons prochainement créer une organisation révolutionnaire ayant pour visée de déclarer au plus vite l'indépendance du 5e Bezirk afin de ne plus subir l'oppression des 1eret 4e Bezirk.<br /> Pour tous les habitants de villes avec Bezirk ou arrondissements, nous allons créer une Internationale des Bezirk et arrondissement en lutte contre l'impérialisme. Si vous êtes intéressés, écrire sur ce site (nous comptons même élargir notre miouvement internationaliste à ceux qui veulent déclarer l'indépendance de leur rue, de leur appartement, de leur salle de bain...).
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A
Non au contrôle de la station de métro Pilgramgasse par le 4è Bezirk!<br /> où faut-il envoyer un chèque de soutien?
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V
Moi je dis que vous êtes tous des rejetons de Mai 68 et que je viendrai vous corriger en live sur mon blog avec une bonne baguette de Chez Champion durcie pendant une semaine.<br /> Mais promis je vais revenir...
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Y
Pourquoi ne pas t'installer au milieu de la rue, sous une tente?
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